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SAMEDI 8 MARS – LUNDI 17 MARS

 

LISBETH SALANDER PASSA la semaine au lit avec des douleurs au bas-ventre, des hémorragies à l’anus et d’autres plaies, moins visibles, qui prendraient plus de temps à guérir. Ce qu’elle avait vécu dépassait de loin le premier viol dans son bureau ; il n’avait plus été question de force et d’humiliation mais d’une brutalité systématique.

Elle réalisait bien trop tard qu’elle avait mésestimé Bjurman, et de beaucoup.

Elle l’avait pris pour un homme de pouvoir qui aimait dominer, pas pour un sadique accompli. Il l’avait gardée menottée toute la nuit. À plusieurs reprises, elle avait cru qu’il allait la tuer et à un moment il avait appuyé un oreiller sur son visage jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse presque.

Elle ne pleura pas.

À part les larmes causées par la douleur physique proprement dite pendant le viol, elle n’en versa pas une seule. Une fois quitté l’appartement de Bjurman, elle avait boitillé jusqu’à la station de taxis d’Odenplan, était rentrée chez elle et avait gagné son appartement en grimpant les escaliers avec difficulté. Elle avait pris une douche et avait lavé le sang de son bas-ventre. Ensuite elle avait bu un demi-litre d’eau et avalé deux Rohypnol, elle s’était écroulée dans son lit, la couverture tirée sur sa tête.

Elle se réveilla vers midi le dimanche, la tête douloureuse et vide de pensées, avec des douleurs dans les muscles et le bas-ventre. Elle se leva, but deux verres de lait et mangea une pomme. Puis elle reprit deux somnifères et retourna se coucher.

Le mardi seulement elle eut assez de force pour s’extraire du lit. Elle sortit acheter un carton de pizzas Billy Pan, en mit deux au micro-ondes et remplit un thermos de café. Ensuite elle passa la nuit sur Internet à lire des articles et des thèses sur la psychopathologie du sadisme.

Son attention fut attirée par un article publié par un groupe de femmes aux Etats-Unis, où l’auteur soutenait que le sadique choisissait ses liaisons avec une précision quasi intuitive : la meilleure victime du sadique était celle qui se prêtait à tous ses désirs de son plein gré parce qu’elle croyait ne pas avoir le choix. Le sadique ciblait ses choix sur des êtres qui dépendaient d’autrui et il avait une capacité inquiétante d’identifier des proies convenables.

Maître Bjurman l’avait choisie comme victime.

Cela la fit réfléchir.

Cela indiquait quelle idée son entourage se faisait d’elle.

 

 

LE VENDREDI, UNE SEMAINE après le deuxième viol, Lisbeth Salander quitta son domicile pour se rendre chez un tatoueur à Hornstull. Elle avait appelé pour fixer rendez-vous et il n’y avait pas d’autres clients dans la boutique. Le propriétaire la salua d’un hochement de tête quand il la reconnut.

Elle choisit un petit tatouage simple représentant un mince cordon et demanda qu’on le lui fasse sur la cheville. Elle montra l’endroit.

— La peau est très mince. Ça fait super mal à cet endroit, dit le tatoueur.

— Ça ira, dit Lisbeth Salander, elle enleva son pantalon et présenta sa jambe.

— D’accord, un cordon. Tu as déjà pas mal de tatouages. Tu es sûre que tu en veux un autre ?

— C’est un rappel, répondit-elle.

 

 

MIKAEL BLOMKVIST QUITTA le café Susanne à la fermeture, à 14 heures le samedi. Il avait passé la journée à mettre au propre ses notes dans son iBook, et il fit un tour chez Konsum acheter deux, trois trucs à manger et des cigarettes avant de rentrer à la maison. Il avait découvert la spécialité locale : la pölsa sautée avec des pommes de terre et des betteraves rouges – un plat qu’il n’avait jamais particulièrement aimé, mais qui pour une étrange raison allait parfaitement bien dans une petite maison à la campagne.

Vers 19 heures, il se mit à réfléchir en regardant par la fenêtre de la cuisine. Cécilia Vanger n’avait pas appelé. Il l’avait croisée très brièvement au café en début d’après-midi quand elle était venue acheter du pain, mais elle était plongée dans ses propres pensées. Tout laissait croire qu’elle n’allait pas appeler ce samedi soir. Il jeta un coup d’œil sur son petit poste de télévision qu’il n’allumait presque jamais. Puis il s’installa sur la banquette de la cuisine et ouvrit un polar de Sue Grafton.

 

 

LISBETH SALANDER REVINT à l’appartement de Bjurman à Odenplan à l’heure convenue le samedi soir. Il la fit entrer avec un sourire poli et accueillant.

— Et comment vas-tu aujourd’hui, ma chère Lisbeth ? fit-il pour la saluer. Elle ne répondit pas.

— J’y suis peut-être allé un peu trop fort la dernière fois, dit-il. Tu m’as semblé un peu KO.

Elle le gratifia d’un sourire en coin, et il sentit une inquiétude soudaine l’envahir. Cette nana est cinglée. Il faut que je m’en souvienne. Il se demanda si elle allait pouvoir s’adapter.

— On va dans la chambre ? demanda Lisbeth Salander.

D’un autre côté, si ça se trouve elle ne demande que ça…

Il lui passa le bras sur l’épaule, comme il l’avait fait à leur rendez-vous précédent pour l’amener dans la chambre.

Aujourd’hui je vais y aller plus doucement avec elle. Pour créer la confiance. Il avait déjà préparé les menottes sur la commode. Ce n’est que lorsqu’ils furent devant le lit que maître Bjurman se rendit compte que quelque chose clochait.

C’était elle qui l’amenait au lit, pas le contraire. Il s’arrêta et la regarda avec perplexité sortir quelque chose de sa poche qu’il crut d’abord être un téléphone portable. Puis il vit ses yeux.

— Dis bonne nuit, dit-elle.

Elle lui enfonça la matraque électrique dans l’aisselle gauche et fit partir 75.000 volts. Quand ses jambes commencèrent à se dérober sous lui, elle approcha son épaule et mobilisa toutes ses forces pour le faire tomber sur le lit.

 

 

CÉCILIA VANGER SE SENTAIT vaguement ivre. Elle avait décidé de ne pas appeler Mikael Blomkvist. Leur liaison avait pris la tournure d’un vaudeville saugrenu, avec une mise en scène obligeant Mikael à faire des tours et des détours pour pouvoir venir la rejoindre sans se faire remarquer. Elle se comportait comme une adolescente amoureuse incapable de maîtriser son désir. Sa conduite ces dernières semaines avait été absurde.

Le problème est qu’il me plaît beaucoup trop, pensa-t-elle. Je vais en souffrir. Elle passa un long moment à souhaiter que Mikael Blomkvist ne soit jamais venu à Hedeby.

Elle avait débouché une bouteille de vin et bu deux verres en solitaire. Elle alluma la télé pour Rapport et essaya de comprendre l’état du monde mais se lassa immédiatement des commentaires rationnels qui expliquaient pourquoi le président Bush devait écraser l’Irak sous les bombes. Elle s’installa alors dans le canapé du salon avec le livre de Gellert Tama sur ce fou qui à Stockholm avait tué onze personnes pour des motifs racistes. Elle ne réussit à lire que quelques pages avant d’être obligée de poser le bouquin. Le sujet l’avait tout de suite fait penser à son père. Elle se demanda sur quoi il fantasmait.

La dernière fois qu’ils s’étaient vus vraiment était en 1984, quand elle les avait accompagnés, lui et Birger, à une chasse au lièvre au nord de Hedestad, pour que Birger teste un nouveau chien de chasse – un Hamilton stövare dont il était le propriétaire depuis peu. Harald Vanger avait soixante-treize ans et elle avait fait son possible pour accepter sa folie, cette folie qui avait transformé son enfance en cauchemar et influencé toute sa vie adulte.

Cécilia n’avait jamais été aussi fragile qu’à cette époque-là de sa vie. Son mariage avait tourné en eau de boudin trois mois auparavant. Femme battue – l’expression était si banale. Pour elle, cela avait pris la forme d’une maltraitance légère mais continuelle. Des gifles, des bourrades et des menaces lunatiques. Se retrouver par terre dans la cuisine. Les éclats de son mari étaient toujours inexplicables et les coups rarement suffisamment forts pour qu’elle soit réellement blessée. Il évitait de frapper avec le poing. Elle s’était adaptée.

Jusqu’au jour où, soudain, elle avait rendu les coups et où il avait totalement perdu le contrôle. Pour finir, pris de folie, il l’avait frappée dans le dos à coups de ciseaux.

Pris de remords, paniqué, il l’avait conduite à l’hôpital, où il avait inventé une histoire délirante d’accident invraisemblable que l’ensemble du personnel aux urgences avait percée à jour à l’instant même où il avait prononcé les mots. Elle avait eu honte. On lui avait fait douze points de suture et elle était restée deux jours à l’hôpital. Ensuite Henrik Vanger était venu la chercher et l’avait emmenée chez lui. Elle n’avait plus jamais parlé avec son mari.

Ce jour ensoleillé, trois mois après la rupture du mariage, Harald Vanger avait été d’une humeur enjouée, presque aimable. Mais soudain, en pleine forêt, il avait commencé à invectiver grossièrement sa fille en faisant des commentaires vulgaires sur sa vie et ses mœurs sexuelles, et il avait craché qu’il allait de soi qu’une pute comme elle était incapable de garder un homme.

Son frère n’avait même pas remarqué que chaque mot du père l’atteignait comme un coup de fouet. Birger Vanger s’était contenté de rire et de poser un bras autour de ses épaules, et de désarmer la situation à sa façon en sortant un commentaire du genre on sait bien comment sont les bonnes femmes. Il avait lancé un clin d’œil insouciant à Cécilia et proposé à Harald Vanger de se tenir à l’affût sur un petit relief du terrain.

Il y avait eu une seconde, un instant glacial, où Cécilia Vanger avait regardé son père et son frère et soudain pris conscience qu’elle tenait un fusil de chasse chargé à la main. Elle avait fermé les yeux. C’était ça, ou bien lever le fusil et tirer les deux cartouches. Elle avait envie de les tuer, tous les deux. Puis elle avait laissé tomber l’arme à ses pieds, avait tourné les talons et était retournée à l’endroit où ils avaient garé la voiture. Elle les avait abandonnés sur place et était rentrée seule à la maison. Depuis ce jour, elle n’avait parlé avec son père qu’en de très rares occasions, quand les circonstances l’y avaient obligée. Elle lui avait refusé l’accès de sa maison et elle n’était jamais allée le voir chez lui.

Tu as gâché ma vie, pensa Cécilia Vanger. Tu as gâché ma vie dès mon enfance.

À 20 h 30, Cécilia Vanger souleva le combiné du téléphone, appela Mikael Blomkvist et lui demanda de venir.

 

 

MAÎTRE NILS BJURMAN souffrait le martyre. Ses muscles étaient hors d’usage. Son corps semblait paralysé. Il n’était pas certain d’avoir perdu connaissance, mais il était désorienté et n’avait aucun souvenir des événements. Lorsqu’il reprit lentement le contrôle de son corps, il se retrouva nu sur le dos dans son lit, les poignets bloqués dans des menottes et les jambes douloureusement écartées. Il avait des brûlures aux endroits où les électrodes avaient touché son corps.

Lisbeth Salander avait tiré le fauteuil en rotin jusqu’au bord du lit et, ses boots sur le lit, attendait patiemment en fumant une cigarette. Quand Bjurman essaya de parler, il comprit que sa bouche était fermée avec du ruban adhésif large. Il tourna la tête. Elle avait ouvert et retourné un des tiroirs de la commode.

— J’ai trouvé tes joujoux, dit Salander.

Elle brandit une cravache et farfouilla dans la collection de godemichés, de bâillons et de masques en caoutchouc répandus par terre.

— Ça sert à quoi, ce machin ? Elle montra un énorme bijou anal. Non, n’essaie pas de parler – je n’entends pas ce que tu dis. C’est ça que tu as utilisé sur moi la semaine dernière ? Il suffit que tu hoches la tête. Elle se pencha vers lui, se réjouissant d’avance de sa réponse.

Nils Bjurman sentit soudain une terreur froide lui labourer la poitrine, et il perdit le contrôle. Il tira sur ses menottes. Elle avait pris le dessus. Impossible. Il était dans l’impossibilité totale de faire quoi que ce soit quand Lisbeth Salander se pencha et plaça le bouchon anal entre ses fesses.

— Alors comme ça t’es un sadique, constata-t-elle. T’aimes bien enfoncer des trucs dans les gens, pas vrai ? Elle le fixa. Son visage était un masque inexpressif. Sans lubrifiant, c’est ça ?

Bjurman hurla à travers le scotch quand Lisbeth Salander écarta brutalement ses fesses et appliqua le bouchon à l’endroit prévu.

— Arrête de chouiner, dit Lisbeth Salander en imitant sa voix. Si tu fais des histoires, je serai obligée de te punir.

Elle se leva et contourna le lit. Il ne put que la suivre du regard…merde, c’est quoi ça ? Lisbeth Salander avait déplacé sa télé grand écran du salon dans la chambre. Elle avait posé son lecteur de DVD par terre. Elle le regarda, tenant toujours la cravache à la main.

— Est-ce que j’ai ton entière attention ? demanda-t-elle. N’essaie pas de parler – il suffit que tu hoches la tête. Tu entends ce que je dis ?

Il hocha la tête.

— Bien. Elle se pencha pour attraper son sac à dos. Tu le reconnais ? Il hocha la tête. C’est le sac à dos que j’avais quand je suis venue te voir la semaine dernière. Je l’ai emprunté à Milton Security. Elle ouvrit une fermeture éclair dans la partie inférieure du sac. Voici une caméra digitale. Est-ce que des fois tu regardes Insider sur TV3 ? Les vilains reporters utilisent un sac comme celui-ci pour tourner des scènes avec une caméra cachée.

Elle referma la poche.

— L’objectif, c’est ça la question que tu te poses ? Toute la finesse est là. Grand-angle avec fibre optique. L’œil ressemble à un bouton, il est dissimulé dans la boucle de la lanière. Tu te souviens peut-être que j’ai posé le sac à dos ici sur la table avant que tu commences tes attouchements. J’ai bien vérifié que l’objectif était dirigé sur le lit.

Elle montra un DVD, qu’elle glissa ensuite dans le lecteur. Puis elle tourna le fauteuil en rotin et s’installa de façon à pouvoir voir l’écran télé. Elle alluma une autre cigarette et appuya sur la télécommande. Maître Bjurman se vit ouvrir la porte à Lisbeth Salander. Tu ne sais pas lire l’heure, saluait-il hargneusement.

Elle lui passa le DVD en entier. Le film durait quatre-vingt-dix minutes, il prit fin au milieu d’une scène où maître Bjurman, nu et assis contre la tête du lit, buvait un verre de vin tout en contemplant Lisbeth Salander allongée, les mains attachées dans le dos.

Elle éteignit la télé et resta assise dans le fauteuil en rotin sans dire un mot pendant dix bonnes minutes et sans le regarder. Bjurman n’osa même pas bouger. Elle se leva et se dirigea vers la salle de bains. Puis revint et se rassit dans le fauteuil. Sa voix était comme du papier de verre.

— J’ai commis une erreur la semaine dernière, dit-elle. Je m’attendais à ce que tu m’obliges encore une fois à te tailler une pipe, ce qui est absolument dégueulasse, mais qui ne dépasse pas outre mesure mes capacités. Je m’étais dit que j’allais facilement obtenir des preuves impeccables, des preuves nickel pour prouver que tu es un immonde salopard pervers. Je t’avais mésestimé. Je n’avais pas compris à quel point tu es une pourriture de chez pourriture.

Je vais être claire, dit-elle. Ce film te montre en train de violer une fille de vingt-quatre ans, handicapée mentale dont tu es le tuteur en charge. Et tu es loin de soupçonner à quel point je peux être handicapée mentale quand il faut. On passe ce DVD à n’importe qui et il comprendra que tu es non seulement une ordure mais aussi un sadique fou furieux. Instructif, comme film, non ? Je dirais que c’est toi et pas moi qui serais interné. Tu es d’accord avec moi ?

Elle attendit. Il ne réagit pas, mais elle pouvait voir qu’il tremblait. Elle prit la cravache et frappa un coup sec sur ses organes sexuels.

— Tu es d’accord avec moi ? répéta-t-elle d’une voix plus forte. Il hocha la tête.

— Bien. Comme ça c’est clair pour tous les deux.

Elle tira le fauteuil et s’assit de façon à pouvoir le regarder dans les yeux.

— Bon, qu’est-ce qu’on pourrait faire toi et moi pour y remédier ? Il ne pouvait pas répondre. Tu n’as pas d’idées ? Comme il ne réagissait pas, elle avança la main, saisit ses bourses et tira jusqu’à ce que le visage de Bjurman se torde de douleur. Est-ce que tu as quelques bonnes idées ? répéta-t-elle.

Il secoua la tête.

— Tant mieux. Parce que si jamais tu devais avoir une idée à l’avenir, ça me foutrait vachement en rogne contre toi.

Elle se laissa aller en arrière et alluma une nouvelle cigarette.

— Alors je vais te dire, moi, ce qui va se passer. La semaine prochaine, dès que tu auras réussi à expulser ce mastard en caoutchouc de ton cul, tu donneras des instructions à ma banque qu’il n’y a que moi – et moi seule – qui ai désormais accès à mon compte. Tu comprends ce que je dis ?

Maître Bjurman hocha la tête.

— Parfait. Tu ne me contacteras plus jamais. À l’avenir, nous ne nous verrons que si j’en avais envie. En clair, tu viens d’être frappé d’interdiction de visite.

Il hocha la tête plusieurs fois et poussa soudain un soupir.

Elle n’a pas l’intention de me tuer.

— Si tu essaies de prendre contact avec moi, des copies de ce DVD vont arriver à toutes les rédactions des journaux de Stockholm. Tu comprends ?

Il hocha plusieurs fois la tête. Il faut que je mette la main sur le film.

— Une fois par an, tu enverras ton rapport concernant mon état à la commission des Tutelles. Tu écriras que je mène une existence tout à fait normale, que j’ai un travail fixe, que je me conduis comme il faut et que tu ne vois absolument rien d’anormal dans mon comportement. D’accord ?

Il hocha la tête.

— Tous les mois tu formuleras un rapport écrit mais fictif sur nos rencontres. Tu raconteras en détail à quel point je suis positive et combien ça roule pour moi. Tu me posteras une copie. Tu comprends ?

Il hocha de nouveau la tête. Lisbeth Salander nota distraitement les gouttes de sueur qui apparaissaient sur son front.

— Dans un an ou deux, tu entameras des pourparlers avec le juge pour obtenir la révocation de ma tutelle. Tu utiliseras à cet effet tes rapports fictifs sur nos rencontres mensuelles. Tu trouveras un psy qui prêtera serment que je suis absolument normale. Tu feras un effort. Tu feras exactement tout ce qui est en ton pouvoir pour que je sois déclarée émancipée.

Il hocha la tête.

— Tu sais pourquoi tu feras tout ce que tu peux ? Parce que tu as une putain de bonne raison. Si tu échoues, je balance ce petit film à tout le monde.

Il écoutait chaque syllabe que Lisbeth Salander prononçait. Un soudain éclat de haine passa dans ses yeux. Il se dit qu’elle commettait une erreur en le laissant vivre. Tu le payeras cher, sale pute. Tôt ou tard. Je vais t’écraser. Mais il continua à hocher la tête avec enthousiasme à chaque question.

— C’est aussi valable si tu essaies de prendre contact avec moi. Elle passa la main devant son cou. Au revoir ce bel appart et ton beau boulot et tous tes millions sur le compte offshore.

Les yeux de Bjurman s’écarquillèrent quand elle mentionna l’argent. Merde alors, comment peut-elle savoir…Elle sourit, tira une bouffée en avalant la fumée. Puis elle lâcha la cigarette sur la moquette et l’écrasa sous le talon.

— Tu me donneras des doubles de tes clés pour ici et pour ton bureau.

Bjurman fronça les sourcils. Elle se pencha avec un sourire béat.

— J’aurai désormais le contrôle sur ta vie. Quand tu t’y attendras le moins, peut-être quand tu dormiras, je serai soudain dans ta chambre avec ça dans la main. Elle montra la matraque électrique. Je te surveillerai. Si jamais je te trouve avec une fille – et peu importe qu’elle soit ici de son plein gré ou pas –, si jamais je te trouve avec une femme quelle qu’elle soit…

Lisbeth Salander passa de nouveau ses doigts devant son cou.

— S’il m’arrivait de mourir… si j’avais un accident et que je passais sous une voiture ou je ne sais quoi… des copies de ce film seraient postées à l’adresse des journaux. Plus une histoire détaillée où je raconte comment c’est de t’avoir comme tuteur.

Autre chose encore. Elle se pencha en avant si bien que son visage ne fut qu’à quelques centimètres du sien. Si jamais tu me touches encore, je te tuerai. Tu peux me croire sur parole.

Maître Bjurman la crut soudain. Il n’y avait aucune place pour du bluff dans ses yeux.

— Souviens-toi que je suis folle. Il hocha la tête. Elle le fixa d’un regard circonspect.

— Je ne crois pas que nous deviendrons bons amis, toi et moi, dit Lisbeth Salander d’une voix grave. Là, maintenant, t’es en train de te réjouir que je sois suffisamment idiote pour te laisser vivre. Tu crois que t’as le contrôle bien que tu sois mon prisonnier, parce que tu t’imagines que la seule chose que je puisse faire si je ne te tue pas, c’est te relâcher. Alors t’es bourré d’espoir de pouvoir bientôt reprendre ton pouvoir sur moi. N’est-ce pas ?

Il secoua la tête, soudain pris d’un mauvais pressentiment.

— Je vais te faire un cadeau pour que tu te souviennes toujours de notre accord.

Elle afficha un sourire en coin, grimpa sur le lit et s’agenouilla entre ses jambes. Maître Bjurman ne comprit pas ce qu’elle voulait dire mais il eut peur soudain.

Puis il vit l’aiguille dans sa main.

Il remua violemment la tête et essaya de se tortiller jusqu’à ce qu’elle appuie un genou dans son entrejambe, comme avertissement.

— Ne bouge pas. C’est la première fois que j’utilise ces instruments.

Elle travailla avec concentration pendant deux heures. Quand elle eut fini, il ne chouinait plus. Il semblait plutôt se trouver dans un état proche de l’apathie.

Elle descendit du lit, inclina la tête et regarda son œuvre d’un œil critique. Ses talents artistiques avaient leurs limites. Les lettres partaient dans tous les sens, ça donnait une petite touche impressionniste. Elle avait utilisé des couleurs rouge et bleue en tatouant le message, c’était écrit en lettres capitales sur cinq lignes qui couvraient tout son ventre, depuis les tétons jusqu’au-dessus de son sexe : JE SUIS UN PORC SADIQUE, UN SALAUD ET UN VIOLEUR.

Elle ramassa les aiguilles et remit les tubes de couleur dans son sac à dos. Puis elle alla se laver les mains dans la salle de bains. Elle se rendit compte qu’elle se sentait considérablement mieux en revenant dans la chambre.

— Bonne nuit, dit-elle.

Avant de partir, elle ouvrit l’une des menottes et plaça la clé sur le ventre de Bjurman. Elle emporta le DVD et le trousseau de clés de Bjurman en partant.

 

 

CE FUT ALORS QU’ILS PARTAGEAIENT une cigarette peu après minuit que Mikael raconta qu’ils n’allaient pas pouvoir se voir pendant quelque temps. Cécilia tourna vers lui un visage étonné.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle. Il prit un air penaud.

— Lundi prochain je vais en prison purger mes trois mois.

Les explications supplémentaires étaient superflues. Cécilia resta silencieuse un long moment. Elle se sentit tout à coup prête à fondre en larmes.

 

 

DRAGAN ARMANSKIJ AVAIT COMMENCÉ à perdre espoir lorsque Lisbeth Salander frappa soudain à sa porte le lundi après-midi. Il ne l’avait pas vue depuis qu’il avait annulé l’enquête sur l’affaire Wennerström au début du mois de janvier, et chaque fois qu’il avait essayé de l’appeler, soit elle n’avait pas répondu, soit elle avait raccroché en expliquant qu’elle était occupée.

— Tu n’aurais pas du boulot pour moi ? demanda-t-elle sans s’embarrasser de salutations inutiles.

— Salut. Sympa de te voir. Je croyais que tu étais morte ou quelque chose du genre.

— J’avais deux trois petites choses à tirer au clair.

— C’est souvent que tu as des choses à tirer au clair.

— C’était une urgence. Je suis de retour. Est-ce que tu as du boulot pour moi ? Armanskij secoua la tête.

— Désolé. Pas en ce moment.

Lisbeth Salander le contempla d’un œil tranquille. Un moment plus tard, il prit son élan et se mit à parler.

— Lisbeth, tu sais que je t’aime bien et que je te donne du boulot si je peux. Mais tu es restée invisible pendant deux mois et j’ai eu un tas de boulots. C’est simple, on ne peut pas compter sur toi. J’ai été obligé de faire appel à d’autres pour pallier ton absence et en ce moment je n’ai rien pour toi.

— Augmente le volume.

— Quoi ?

— La radio.

…le magazine Millenium. L’annonce que le vétéran de l’industrie Henrik Vanger est devenu copropriétaire de Millenium et qu’il siégera au CA arrive le jour même où l’ancien gérant responsable de la publication, Mikael Blomkvist, commence à purger ses trois mois de prison pour diffamation de l’homme d’affaires Hans-Erik Wennerström. Erika Berger, directrice de Millenium, a précisé lors de la conférence de presse que Mikael Blomkvist reprendra son poste de rédacteur en chef dès sa sortie de prison.

— Merde alors, fit Lisbeth Salander tellement bas qu’Armanskij ne put rien entendre, il vit seulement ses lèvres bouger. Elle se leva brusquement et se dirigea vers la porte.

— Attends. Tu vas où ?

— Chez moi. J’ai deux trois trucs à vérifier. Appelle quand tu auras quelque chose pour moi.

 

 

LA NOUVELLE QUE Millenium avait reçu du renfort sous la forme de Henrik Vanger était un événement bien plus important que ce que Lisbeth Salander avait prévu. Aftonbladet avait déjà publié sur le Web une longue dépêche provenant de l’agence de presse TT qui dressait le bilan de la carrière de Henrik Vanger et qui constatait que c’était la première fois en plus de vingt ans que le vieux magnat de l’industrie se montrait au public. L’annonce qu’il entrait dans le capital de Millenium semblait tout aussi inimaginable que de voir soudain les vieux conservateurs Peter Wallenberg ou Erik Penser virer leur cuti pour s’associer à ETC ou devenir sponsors d’Ordfront Magasin.

L’événement était si énorme que l’édition de 19 h 30 de Rapport en fit un des premiers sujets et y consacra trois minutes. Erika Berger était interviewée à une table de conférence à la rédaction de Millenium. Tout à coup l’affaire Wennerström était redevenue d’actualité.

— Nous avons commis l’année dernière une grave erreur qui a eu pour conséquence que notre journal a été condamné pour diffamation. C’est évidemment une chose que nous regrettons… et nous avons l’intention de revenir sur cette affaire à un moment propice.

— Qu’entendez-vous par revenir sur l’affaire ? demanda le reporter.

— Je veux dire que nous allons raconter notre version des éléments, ce que nous n’avons pas encore fait.

— Mais vous auriez pu le faire au cours du procès.

— Nous avons choisi de ne pas le faire. Mais nous allons bien entendu garder notre ligne éditoriale critique.

— Est-ce que cela veut dire que vous vous en tenez toujours à la version pour laquelle vous avez été condamnés ?

— Je n’ai pas de commentaire à apporter sur ce sujet.

— Vous avez licencié Mikael Blomkvist après le jugement.

— Vous vous trompez totalement. Lisez notre communiqué de presse. Il avait besoin d’un break et d’une pause bien méritée. Il reviendra comme responsable de la publication plus tard cette année.

La caméra fit un panoramique à travers la rédaction tandis que le reporter énumérait quelques données sur l’histoire mouvementée de Millenium, magazine connu pour son indépendance impertinente. Mikael Blomkvist n’était pas en mesure de donner ses commentaires. Il venait d’être incarcéré au centre de détention de Rullåker, situé au bord d’un petit lac en pleine forêt à une dizaine de kilomètres d’Östersund, dans le Jämtland.

Au passage, Lisbeth Salander nota que Dirch Frode apparaissait soudain dans l’entrebâillement d’une porte à la rédaction, tout au bord de l’image télévisée. Elle fronça les sourcils et se mordit pensivement la lèvre inférieure.

 

 

CE LUNDI AVAIT ÉTÉ PAUVRE en événements et Henrik Vanger put bénéficier de quatre minutes à l’édition de 21 heures. Il était interviewé dans un studio de la télé locale à Hedestad. Le reporter commença par constater qu’après deux décennies de silence, le mythique industriel Henrik Vanger est revenu sous les feux de la rampe. En introduction, le reportage fit une présentation de la vie de Henrik Vanger en images télé noir et blanc, où on le voyait en compagnie du Premier ministre Tage Erlander inaugurant des usines dans les années 1960. Ensuite la caméra zoomait sur un canapé dans un studio d’enregistrement où Henrik Vanger était tranquillement installé, les jambes croisées. Il portait une chemise jaune, une fine cravate verte et une veste marron décontractée. Qu’il soit un épouvantail maigre et vieillissant n’échappait à personne, mais il parlait avec une voix sonore et ferme. Sans compter qu’il parlait franc. Le reporter commença par lui demander ce qui l’avait poussé à devenir copropriétaire de Millenium.

— Millenium est un bon journal que j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt pendant plusieurs années. Aujourd’hui il est en butte à certaines attaques. Il a de puissants ennemis qui organisent un boycott d’annonceurs dans le but de le torpiller.

De toute évidence, le reporter n’était pas préparé à une telle réponse, mais flaira immédiatement que l’histoire, déjà particulière en elle-même, avait des dimensions tout à fait inattendues.

— Qui se trouve derrière ce boycott ?

— Voilà une des choses que Millenium va minutieusement vérifier. Mais laissez-moi saisir l’occasion pour déclarer que Millenium n’a pas l’intention de se faire couler de sitôt.

— Est-ce pour cette raison que vous êtes entré comme associé ?

— La liberté d’expression en prendrait un sale coup si des intérêts particuliers avaient le pouvoir de réduire au silence des voix qui les dérangent dans les médias.

Henrik Vanger semblait avoir passé sa vie à défendre la liberté d’expression, tendance radicale-culturelle. Mikael Blomkvist se mit soudain à rire dans la salle de télévision au centre de détention de Rullåker, qu’il inaugurait ce soir. Ses codétenus lui jetèrent des regards inquiets.

Plus tard le soir, allongé sur le lit dans sa cellule qui lui rappelait une chambre de motel exiguë avec une petite table, une chaise et une étagère fixée au mur, il admit que Henrik et Erika avaient eu raison quant à la façon de balancer cette information sur le marché. Sans en avoir parlé à quiconque, il savait que quelque chose avait changé dans l’attitude vis-à-vis de Millenium.

L’apparition de Henrik Vanger n’était ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre à Hans-Erik Wennerström. Le message était limpide – désormais tu ne te bats pas contre un journal avec six employés et un budget annuel qui correspond à un déjeuner d’affaires du Wennerstroem Group. Maintenant tu te bats aussi contre les sociétés Vanger, qui certes ne sont que l’ombre de leur grandeur d’antan mais qui constituent néanmoins un défi autrement plus ardu. Wennerström pouvait maintenant choisir : soit se retirer du conflit, soit envisager la tâche de réduire aussi en miettes les sociétés Vanger.

Henrik Vanger venait d’annoncer à la télévision qu’il était prêt à se battre. Il n’avait peut-être aucune chance contre Wennerström, mais la guerre allait coûter cher.

Erika avait soigneusement choisi ses mots. En fait, elle n’avait pas dit grand-chose, mais son affirmation selon laquelle le journal n’avait pas encore « donné sa version » laissait entendre qu’il y avait réellement une version à donner. Bien que Mikael soit mis en examen, jugé et à l’heure actuelle incarcéré, elle ne s’était pas gênée pour dire – sans le dire qu’en réalité il était innocent et qu’une autre vérité existait.

En se gardant d’utiliser le mot « innocence », elle rendait son innocence d’autant plus tangible. La façon évidente dont il allait retrouver son poste de responsable de la publication soulignait que Millenium n’avait rien à se reprocher. Aux yeux du grand public, la vérité n’était pas un problème – tout le monde adore la théorie du complot, et dans le choix entre un homme d’affaires plein aux as et une belle directrice de journal à grande gueule, il n’était pas difficile de déterminer où iraient les sympathies. Les médias n’achèteraient cependant pas l’histoire aussi facilement – mais Erika avait sans doute désarmé un certain nombre de critiques qui n’oseraient pas relever la tête.

Aucun des événements de la journée n’avait fondamentalement fait évoluer la situation, mais ils avaient acheté du temps et ils avaient quelque peu modifié l’équilibre des forces. Mikael imagina que Wennerström avait passé une soirée désagréable. Wennerström ne pouvait pas savoir dans quelle mesure – ou dans quelque très petite mesure ils savaient quelque chose, et avant de pouvoir jouer son prochain pion, il allait être obligé de fouiller pour découvrir où ils en étaient vraiment.

 

 

LE VISAGE SÉVÈRE, Erika éteignit le poste de télé et le lecteur vidéo après avoir regardé d’abord sa propre prestation, et ensuite celle de Henrik Vanger. Elle regarda l’heure, 2 h 45, et étouffa une impulsion d’appeler Mikael. Il était incarcéré, et il était peu probable qu’il ait pu garder son téléphone portable dans la cellule. Elle était arrivée si tard chez elle à Saltsjöbaden que son mari était déjà endormi. Elle se leva et alla se servir au bar un Aberlour costaud – elle buvait de l’alcool à peu près une fois par an –, s’assit devant la fenêtre et regarda le bassin et le phare à l’entrée du détroit de Skurusund.

Mikael et elle avaient eu un violent échange de mots quand ils s’étaient retrouvés seuls après l’accord qu’elle avait conclu avec Henrik Vanger. Au fil des ans, ils s’étaient gaillardement disputés au sujet de l’orientation à donner à un texte, de la mise en pages, de l’évaluation de la crédibilité des sources et de mille autres choses qui relèvent de la fabrication d’un journal. Mais la dispute dans la maison des invités de Henrik Vanger avait touché à des principes où elle savait qu’elle évoluait en terrain peu sûr.

— Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant, avait dit Mikael. Henrik Vanger m’a engagé pour écrire son autobiographie. Jusqu’à présent j’ai été libre de me lever pour partir à l’instant même où il essaierait de me forcer à écrire quelque chose qui n’est pas la vérité, ou de me persuader d’orienter l’histoire d’une façon ou d’une autre. Désormais, il est un des propriétaires de notre journal – et de plus le seul doté de suffisamment de moyens financiers pour sauver le journal. Et moi, d’un coup, je suis assis sur deux chaises, dans une position que la commission d’éthique professionnelle n’apprécierait pas.

— Tu as une meilleure idée à proposer ? répondit Erika. Parce que c’est le moment de la révéler maintenant, avant de mettre au propre et de signer l’accord.

— Ricky, Vanger nous utilise dans une sorte de vendetta privée contre Hans-Erik Wennerström.

— Et alors ? Nous aussi, nous sommes bien en train d’exercer une vendetta privée contre Wennerström.

Mikael évita de la regarder et alluma une cigarette d’un geste irrité. Leur prise de bec se poursuivit un long moment, jusqu’à ce qu’Erika entre dans la chambre de Mikael, se déshabille et se glisse dans le lit. Elle faisait semblant de dormir lorsque, deux heures plus tard, Mikael vint se blottir contre elle.

Au cours de la soirée, un reporter de Dagens Nyheter lui avait posé cette même question :

— Dans quelle mesure Millenium va-t-il maintenant pouvoir rester crédible et affirmer son indépendance ?

— Comment ça ?

Le reporter avait levé les sourcils. Il estimait sa question suffisamment éloquente, mais il clarifia néanmoins son propos.

— La tâche de Millenium est entre autres d’observer la bonne marche des entreprises. Comment le journal va-t-il maintenant pouvoir revendiquer qu’il observe la bonne marche des entreprises Vanger ?

Erika l’avait dévisagé d’un air stupéfait, comme si la question était totalement inattendue.

— Est-ce que vous insinuez que la crédibilité de Millenium diminue parce qu’un financier connu disposant de ressources conséquentes est entré en scène ?

— Oui, il me semble assez évident que vous ne serez pas crédibles pour observer les entreprises Vanger.

— La règle ne s’applique-t-elle qu’à Millenium ?

— Pardon ?

— Je veux dire, vous travaillez pour un journal qui est totalement aux mains d’intérêts économiques lourds. Est-ce que cela signifie qu’aucun des journaux détenus par le groupe Bonniers n’est crédible ? Aftonbladet est détenu par une grosse société norvégienne qui à son tour est un acteur de poids dans le domaine de l’informatique et de la communication – cela signifie-t-il pour autant que les analyses$ Aftonbladet de l’industrie électronique ne sont pas crédibles ? Métro appartient au groupe Stenbeck. Est-ce que vous voulez dire qu’aucun journal en Suède soutenu par de gros intérêts économiques n’est crédible ?

— Non, bien sûr que non.

— Dans ce cas, pourquoi est-ce que vous insinuez que la crédibilité de Millenium diminuerait parce que nous aussi nous avons l’appui de financiers ?

Le reporter avait levé la main.

— D’accord, je retire ma question.

— Non. On ne la retire pas. Je veux que soit reproduit exactement ce que je viens de dire. Et vous pouvez ajouter que si Dagens Nyheter décide de focaliser plus particulièrement sur les entreprises Vanger, nous focaliserons un peu plus sur Bonniers.

Cela dit, il s’agissait bel et bien d’un dilemme éthique.

Mikael travaillait pour Henrik Vanger, qui à son tour se trouvait dans une position où il pouvait couler Millenium en un coup de crayon. Que se passerait-il si Mikael et Henrik Vanger se fâchaient pour une raison ou pour une autre ?

Et surtout : quel prix fixait-elle à sa propre crédibilité, et à quel moment passerait-elle de directrice indépendante à directrice corrompue ? Elle n’aimait ni les questions ni les réponses.

 

 

LISBETH SALANDER SE DÉCONNECTA du Net et ferma son PowerBook. Elle n’avait pas de boulot et elle avait faim. La première chose ne la troublait pas directement depuis qu’elle avait repris le contrôle de son compte en banque et que maître Bjurman avait pris le statut d’une vague gêne dans son passé. Elle remédia à la faim en se rendant dans la cuisine et en branchant la cafetière. Elle se prépara trois gros sandwiches avec du fromage, de la crème de poisson et un œuf archidur, son premier semblant de repas depuis de nombreuses heures. Elle dévora ses sandwiches nocturnes blottie dans le canapé du salon tout en se concentrant sur l’information qu’elle venait d’obtenir.

Dirch Frode de Hedestad l’avait engagée pour faire une enquête sur la personne de Mikael Blomkvist, qui avait été condamné à une peine de prison pour diffamation du financier Hans-Erik Wennerström. Quelques mois plus tard, Henrik Vanger, lui aussi de Hedestad, fait son entrée dans le CA de Millenium et prétend qu’il y a une conspiration destinée à démolir le journal. Tout ceci le jour même où Mikael Blomkvist commence à purger sa peine. Le plus fascinant : un article mineur datant d’il y a deux ans « Les deux mains vides » sur Hans-Erik Wennerström, qu’elle avait trouvé dans l’édition en ligne de Finansmagasinet Monopol. On pouvait y lire qu’il avait commencé son ascension de financier justement dans les entreprises Vanger à la fin des années 1960.

Pas besoin d’être un surdoué pour tirer la conclusion que les événements étaient liés d’une façon ou d’une autre. Il y avait anguille sous roche et Lisbeth Salander adorait la pêche à l’anguille. D’autant plus qu’elle n’avait rien d’autre à faire.

 

Les hommes qui n'aimaient pas les femmes
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